lundi 19 mai 2025 à 16:47
Le storytelling, c’est l’art de faire exister une marque comme un personnage, et pas comme une fiche produit. Au lieu de balancer des specs techniques, tu racontes une histoire. Une vraie. Avec un début, des galères, un objectif, des émotions, et une transformation à la clé. C’est pas du blabla joli, c’est une stratégie. Parce que les gens ne se souviennent pas de ton “innovation brevetée à 99 %”, ils se souviennent de ce que ton histoire leur a fait ressentir.
En marketing, en branding, sur ton site, dans tes pubs ou tes posts Insta, le storytelling, c’est ce qui fait passer ta marque de “ah oui, j’ai déjà vu” à “je me reconnais dedans”.
Une marque qui ne raconte rien est une marque qui se compare. Une marque qui raconte bien, elle, on la suit.
Le storytelling n’est donc pas un gadget de communiquant romantique. Loin de là. C’est une architecture narrative construite sur le cerveau humain lui-même. Une histoire active la dopamine, la mémoire émotionnelle, l’aire limbique du cerveau. On comprend alors que raconter, ce n’est pas décorer un message mais le rendre mémorisable, partageable, incarné.
Harvard Business School a mené une étude en 2023 démontrant que les récits déclenchent une rétention 22 fois supérieure à celle d’une information brute. Autrement dit « notre yaourt est 20 % plus protéiné » est oublié plus vite que « un matin, Irène a troqué son bol de céréales contre ce yaourt, et trois mois plus tard elle courait un semi-marathon sans s’arrêter ».
Là est toute la force des récits, ils donnent vie à des produits qui, autrement, ne sont que des chiffres, des promesses ou encore des emballages.
Il existe un schéma narratif universel, pas parce que le marketing l’a inventé, mais parce que les humains pensent en récit. Depuis Homère, en passant par Disney et Netflix, tout commence avec un héros, une quête, des obstacles, des alliés, un aboutissement. Classique.
La structure de base reste la même, à savoir situation initiale, perturbation, péripéties, résolution, nouvelle situation. Et ce canevas fonctionne aussi bien pour un dessin animé que pour un pitch de campagne.
Prenons l’exemple de Michel & Augustin. Leur storytelling de conquête commence avec deux fondateurs à l’énergie débordante, leur quête étant d’entrer chez Starbucks USA. Les adjuvants sont tous ceux qui les soutiennent, des clients français à l’inconnu qui les pousse à aller à Seattle. Les ennemis ? L’immense tour Starbucks qui ne veut pas recevoir des “petits Français”. La résolution ? Ils rencontrent Howard Schultz, signent un deal, et accèdent à l’Amérique des cookies. Ce n’est pas juste une success story, c’est une épopée.
Joseph Campbell a théorisé le monomythe, à savoir le récit du héros en 3 actes. Il fait référence à la théorie qui considère tous les récits mythiques comme des variantes d’une seule grande histoire. D’abord le départ, où le héros quitte sa zone de confort. Ensuite l’initiation, il affronte des épreuves, rencontre des figures symboliques. Enfin, le retour, il revient changé, et transforme le monde. Ce schéma n’est pas juste utile pour les blockbusters, il peut, et doit, s’appliquer aux marques.
Joseph Campbell était un écrivain américain. Professeur de littérature au Sarah Lawrence College, il a travaillé sur la mythologie comparée et la religion comparée. Son œuvre couvre de nombreux aspects de la condition humaine, et son ouvrage le plus connu est son livre “Le héros aux mille visages” (1949), dans lequel il expose sa théorie du voyage du héros archétypal partagé par les mythologies du monde, appelé monomythe.
Depuis la publication du “Héros aux mille visages”, les théories de Campbell ont été appliquées par une grande variété d'écrivains et d'artistes modernes, et il a même été reconnu à Hollywood lorsque George Lucas a déclaré que les travaux de Campbell avaient influencé sa saga de la Guerre des étoiles. C’était la minute culture g merci au revoir.
Enfin, une marque qui reste dans l’information fonctionnelle ne transcende rien. Une marque mythifiée, au contraire, donne du sens à l’usage, elle raconte ce que c’est qu’être en vie. Le produit devient un moyen de traverser l’existence avec plus de puissance, de beauté ou de sens. Apple ne vend pas des iPhones, la marque vend le mythe de l’individu créatif, affranchi, qui pense différemment. Patagonia ne vend pas des doudounes, elle vend la quête de protection de la planète.
Les grands mythes se répètent dans le cycle de nos semaines. Et chaque jour véhicule une charge symbolique, un rythme cognitif, une énergie émotionnelle. C’est pour cela que les marques les plus fines adaptent leurs campagnes aux jours de diffusion, pas juste en fonction des datas, mais en racontant une histoire différente selon le moment.
La mythologie, la psychologie cognitive et le marketing se rejoignent ici pour révéler des archétypes puissants que les marques peuvent incarner, à condition de ne pas dormir en réunion de brief :
Le dimanche est le jour du soleil, symbole d’Apollon, dieu de la connaissance, de la vérité et de la sagesse. C’est la lumière douce de l’introspection, et les récits qui éclairent, qui vulgarisent, qui rendent le monde plus lisible, sont solaires. Les marques qui adoptent ce rythme dominical cherchent à “éclairer” leur audience, à transmettre une vision du monde ou un savoir.
On les retrouve chez les médias, les marques éducatives, les plateformes d’analyse. Elles n’imposent pas, elles éclairent. Exemples bien sentis, on peut citer Le Monde, Les Échos Week-End ou Brut., qui nous livrent du contenu long, digeste et costaud pendant que notre cerveau tourne en mode soupe chaude et plaid. On clique, on lit, et on se croit plus intelligent. Mission accomplie.
Le lundi, en revanche, est gouverné par la lune, et c’est le jour du retour à la réalité brutale, de la rédemption. C’est le jour des outsiders, de ceux qui veulent être reconnus, se faire pardonner ou changer les perceptions, et donc, symboliquement, c’est aussi celui où les marques tentent de se racheter une image. Comme Samsung qui a dû laver plus blanc que blanc après l’affaire de la batterie explosive. Ou Hoegaarden, qui rit de son nom imprononçable (et de ton incapacité à le dire en soirée).
Ici, le storytelling est réparateur, humble, parfois même marrant. Mais attention, le lundi, le public est exigeant (à l’image des fans coréens), surtout quand tu as bien foiré. C’est pas parce qu’il a pas encore bu son café qu’il va te pardonner un mauvais wording.
Le mardi est l’arène des conquérants. Mars, dieu de la guerre, donc jour du fight, y impose sa loi, le récit du combat, de la compétition, du dépassement. Pepsi qui s’oppose à Coca, Uber qui détrône le taxi. Tout y est narré sous l’angle du duel. En gros, pour résumer en langage gen Z, le mardi, c’est la compét’, le sang-froid, les comparatifs agressifs et les pubs en mode “David va éclater Goliath”. C’est aussi le jour des anti-héros qui n’ont plus rien à perdre.
Dyson qui déclare la guerre à l’aspirateur poussiéreux de ta grand-mère ? Mardi. Et Slack, qui a enterré la boîte mail en s’en moquant dans ses pubs ? Tu l’as deviné.
Le mercredi, jour de Mercure, dieu du commerce et de la fluidité, revient aux marques qui veulent inspirer la confiance par la proximité. Nestlé, EDF ou Bonne Maman. Ce sont les marques doudous. Elle rassure, console, prend soin de toi comme une grand-mère digitale.
Le jeudi appartient à Jupiter, mettant à l’honneur puissance, légitimité, domination. Le jeudi, c’est le bureau du PDG, la montre suisse, le cuir qui sent l’alpha. Mercedes, Rolex ou Apple s’y racontent non pas comme des produits, mais comme des figures d’autorité. Le storytelling du jeudi, c’est “je suis au-dessus”, et donc il n’implique pas une bataille, il impose une évidence. Le jeudi, t’es assis sur le trône. Et t’envoies un petit post LinkedIn à 8h avec #vision.
Le vendredi bascule dans l’univers de Vénus. Désir, beauté, jeunesse. On est entre deux mails et un mojito mental. C’est le moment où on veut se sentir jeune, frais, désirable. Les marques de cosmétiques, de mode ou de boisson s’en emparent pour raconter un monde où l'on reste jeune, désirable, indéfiniment. Evian, avec sa fontaine de jouvence, en est le symbole parfait, ou encore L’Oréal, qui te promet que “tu le vaux bien”, et Sephora, qui transforme ton miroir de salle de bain en scène de défilé.
Et enfin le samedi, c’est le jour de la transgression, de la sensualité, du choc. T’as cliqué sans réfléchir. Saturne autorise tout entre l’excès, la provocation, le plaisir pur et on en passe. Et si tu ne peux pas la montrer à ta mère, c’est que t’es pile au bon endroit. Les récits sont épidermiques, sensuels, souvent provocants. On sort des normes. Les marques d’alcool, de clubs, de parfums (Absolut Vodka, Diesel, AXE etc) ou de sécurité routière (oui, elles aussi) utilisent ce jour pour faire passer ce qui ne pourrait pas l’être ailleurs. C’est le moment du storytelling brut. Tu sens la gifle visuelle ? C’est samedi. Tu veux te désinhiber ? C’est samedi. Tu veux choquer ? C’est encore samedi.
Résumé visuel :
Pixar a sa propre méthode, le classique et fameux "il était une fois... chaque jour... mais un jour... à cause de cela... jusqu’à ce que…". C’est un squelette narratif qui a prouvé son efficacité dans l’animation, mais qui peut aussi être utilisé dans les briefs de marques.
On peut très bien raconter l’histoire d’une entrepreneuse qui en a eu marre des relations internationales, qui a tout quitté, s’est plantée une fois, a persisté, et a monté une agence. Ce n’est pas un CV. C’est un récit de transformation (non je ne parle pas de moi ?).
Et aujourd’hui, ce que les audiences veulent, c’est ressentir une transformation. Pas lire une promesse. Pas entendre une accroche creuse. Elles veulent vibrer. Elles veulent des récits où elles se reconnaissent, où elles aspirent à devenir le héros. Et c’est exactement ce que le storytelling bien mené peut produire, à savoir un lien affectif, émotionnel, actif.
Au final, ce qui déclenche un achat, ce n’est jamais uniquement le produit. C’est la sensation qu’on rejoint quelque chose de plus grand. Une vision. Une tribu. Une histoire.
Co-fondatrice de Pinstrap. J’aime les pixels bien placés, les mots bien sentis, et les concepts qui laissent une trace (dans la tête, pas dans l’atmosphère). Dotée d'un humour indéniablement violent, je vulgarise les sujets complexes pour que chacun, même le plus éclaté, comprenne les sujets relatifs à la com'/ marketing/ design/ tech etc. En gros je vous facilite la vie et vos projets de fac ou d'école de commerce.